Poètes sans frontières depuis 1993 - L'Étrave : Revue de poésie depuis 1960
Le poète et la prison
l'Etrave n°276 juillet 2023
L’auteur de la présente « tribune »nous dit : « Depuis plusieurs années, j’ai entrepris de réaliser les portraits de poètes ayant connu la prison. Ces recherches m’ont emmené du XIIIe au XXIe siècle. La liste de ces auteurs s’est allongée au cours de ce long travail historique. Le projet est de publier leurs biographies, leurs poèmes illustrés de calligraphie et de dessins »
Les lieux d’enfermement mettent les hommes et les femmes, dans des conditions extrêmes, nul n’est préparé à cette épreuve de la vie. Les motifs de leurs arrestations ont été des faits de droits communs, des raisons religieuses et surtout en majorité politiques. Sur les murs de leurs cellules sont restés gravés des dates, des noms, pour ne pas sombrer dans l’oubli. L’écriture était un dernier cri pour rester en vie. Leurs histoires nous racontent leurs poèmes, les plus beaux de la littérature. Ils étaient visionnaires de leurs contemporains pour proposer des réformes sociales. Olympe de Gouges n’est toujours pas entendue, dans sa Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne. Le poème de Verlaine a annoncé le débarquement en Normandie pour libérer la France. Joseph Smith a donné sa vie pour porter la parole de Jésus Christ par la publication du livre de Mormon.
Le poète a besoin d’un exil, de souffrance, d’une épreuve ou de l’injustice qui le frappe durement. Son âme est alors dans une solitude forcée. Les duretés de la prison lui donnent sa pleine dimension et son génie créateur. Un tel isolement lui permet de mesurer la profondeur du désespoir, et l’étendue de sa véritable mission. En ce sens, on peut dire à tous les bourreaux qu’ils ont permis de décupler une écriture d’une exigence qui n’aurait jamais connu un tel destin dans des conditions superficielles. Le malheur et la condition extrême apportent une vision plus éclairée des réalités de ce monde. L’enfermement n’est pas une diminution de l’esprit, bien au contraire. Toute la lucidité de l’auteur devient une force pour les êtres les plus forts. L’écriture devient leurs combats pour les idées innovantes, celles qui dérangent l’ordre établi. Le poète est en contact direct avec son œuvre. Sa pensée déstabilise l’adversaire, et par conséquent il devient la cible à éliminer. Aucune personne n’est préparée à vivre dans de telles conditions. Certains poètes ont pu se libérer de leurs oppresseurs par l’écriture. La poésie est le seul moyen de survie, pour donner les messages les plus importants à l’humanité.
Guillaume Reynaud
l'Harmas de Jean-Henri FABRE à Sérignan-du Comtat 2022